5. La Sève et le Ludion

Publié le par Djilali Jamaï


Qui est le sang de vie ? " LA SEVE " 

Qui est le danseur de vie ? " LE LUDION "


La bataille de deux thèses dans l'espace n'est jamais qu'une finalité de travail négatif. Les mots ne sont pas faits pour se combattre dans une lutte stérile d'Horaces et de Curiaces. Le jeu n'est pas de gagner ou de perdre, mais de dire le vrai et l'imaginaire de soi-même. Le gladiateur le plus fort finit toujours par mourir ou par vieillir : telle est la loi. Qu'importe la lutte, le mot est toujours là. L'information par les mots enrichit l'espace universel. Tout se communique de proche en proche, de proche en lointain, les éléments seulement troublent et changent nos manières de penser. 

Pendant la fête, et c'est cela son sens, les échanges de tous sont bienveillants et doux, dans la détente générale où les querelles font trêve, on enlève les chaînes aux prisonniers, les étrangers sont les bienvenus. Chacun est l'hôte de chacun y compris l'ennemi, et les langues maternelles ont du bonheur, l'expression. Le festin total des scènes particulières, la comédie intégrale des comédies singulières peut se jouer dans l'univers dialectique de la chaleur des mots retrouvés. Le but du rite est d'offrir un privilège à la fête. Entrez tous, prenez et mangez ; l'esprit est disponible, loin des querelles ridicules de chapelles.

Le mot est l'intermédiaire, la liaison du local au global. Il est trait d'union ou pomme de discorde. Pourtant, je t'aime n'exclut rien, admet tout, ignore le statut, assure le dialogue. L'amour risque l'omnitude des valeurs en une seule valeur, et offre par le mot, la connaissance au pavillon des possibilités. Le culte du pouvoir est une assignation à résidence forcée quand l'échange est tronqué. Engagez-vous, vous serez monotones par non-participation au reste de la diversité. L'uniforme, c'est l'uniformité. La ressemblance, c'est l'état de peste qui ramène l'individu à l'agonie du collectif. Après l'ivresse de la photocopie, vient la narcose.

La perte de diversité s'accompagne de ruptures d'harmonie et du sacrifice des multiplicités de l'identité.

L'état de guerre est un état standard dans le nivellement des mots. Citoyen ! Voilà l'ennemi. Je lui préfère l'étal des marchés bariolés où la richesse des coloris étonne, où la vérité forte des spécialités savantes a le goût du mélange poivré des épices d'Orient et le sucré de la diversité gustative des palais buccaux. L'abondance des différences me fait jouir des lumières vives ou diaphanes de l'agrément des mots mêlés. Aucun élément n'est exclu du plat. L'état de guerre, seul, vitrifie l'espace.

L'état moderne, étalonne, lamine, standardise. Peut-on penser la société hors du répétitif ? Les esprits courts vous diront que c'est le seul moyen d'ordre possible. Au nom de notre vieille raison! Allez donc ! Il n'y a pas de place pour la fantaisie et les artistes. On voit ce que cela donne : la crise d'étouffement par manque de respiration autogène, l'épidémie de violence par incarcération des différences, l'anorexie de l'imagination, par asthénie de la réflexion. Tout ce qui est à moi est à tous ne veut rien dire, si je ne suis rien moi-même. Que vais-je donner ? Ma ressemblance au standard-type de ma catégorie sociale ? Les lambeaux de ce haillon de vêtement identique ? Dans ce cas, le groupe n'est que système clos et l'individu, un numéro matricule.

Dans ces temps d'uniformités, je ne m'agenouillerai pas devant le pair qu'adorait mon père, sans puissance de germination dans l'irrésistible poussée printanière qui m'invite à inventer différemment dans l'émergence de mes richesses personnelles ; un état naissant de mes potentialités n'ayant rien à voir avec l'aveuglement d'une religion passéiste du répétitif ordonnancé par les pouvoirs politiques, religieux, ou familiaux. Je me refuse à sculpter la même statue que mes pairs, fussent-ils Grands Maîtres d'oeuvres. Leurs leçons sont un tremplin pour ma propre Création, sans plus.

Je ne veux pas tomber dans la crevasse étroite des comédies humaines sans joie, mais sauvegarder en moi le Ludion magnifique. La danse est mon paradis particulier, ma musique est ma musique. Je n'emprunte à personne mes accords secrets. Je veux varier ma mélodie en épousant les vagues de la montée de mon plaisir, en donnant aux mots choisis par mes soins, le meilleur orgasme enchanté.

Je veux une intelligence morphologique des mots employés par ma bouche. Je me réjouis d'un nouveau discours amoureux. Je veux jouer un véritable ballet avec eux. Sans confiance aux mots, il ne peut pas y avoir de véritables rapports amoureux. Je m'irrite des étiquettes, l'homme n'est pas à mettre dans un casier.

La séduction des mots naît presque toujours de qualités contrariées. J'aime quand ils s'échappent dans le sillon imprévu de ma spontanéité. Je les imagine dans leur fureur naissante, renflés comme un sexe vierge, au bord de mes lèvres enjouées. Fragilité, fermeté s'accompagnent à l'écran de ces scènes d'amour. Cils baissés ou regard candide, le mot prononcé par ma bouche a des allures de favori. L'humour le rend transparent. Les mots se séduisent par humains interposés, dans la chaleur d'une caresse.

Les criaillements des mots s'essoufflent vite. Les préventions et les pudeurs prennent des allures de séduction. Les mots peuvent devenir caresses, forces ou bouillonnements inquiets. On lit l'émotion et la maladresse, le désespoir et la sincérité dans les mots. On y goûte les affres secrètes de l'incertitude, la générosité ou la candide impudeur d'audaces impossibles. L'innocence ou le calcul, le doute ou les convictions leur sont libération ou pouvoir. Les mots ont fait un long voyage à travers la maîtrise du symbolique et la matière de ce pauvre réel qui est une promesse de vie meilleure. Les mots dans l'attrait de leur innocence vivent d'espoir.

Les mots brûlent pour la Beauté des femmes, dansent sous la fumée des robes transparentes, sous le tremblement des soies et des drapés qui chatoient. Ils se magnétisent aux terrasses des cafés devant une cuisse accueillante ou un clin d'oeil de perles, se magnifient le long des plages devant des seins brûlants de sable chaud, quand le soleil allume les moires de la mer. Parfum de résine sous les pins, sueur de désirs sur les collines onduleuses de sable battu par le vent du large. Ils sentent la marée des jouissances éternelles. Les flammes lèchent les raisins succulents des passions ancestrales illuminées de mots de feu. Le désir de dire la montée orgasmique mijote dans le ventre travaillé de spasmes bohémiens. Les mots se perdent au dédale de la peau douce des cuisses cuivrées et l'âtre chaud d'un sexe bouilloire de miel doré prépare le cri galopin, dans la venus brune ou blonde. La parole est toute nue, chauffée au fourneau de l'amour pour l'AMOUR.

Mots chairs brûlants sous la caresse du feu fait homme-femme, rôtis de plaisir. Mots pour le plaisir des yeux, chargés de bouffées d'or, mots pour le plaisir des lèvres humides de baisers langoureux. Mots pour le plaisir des mains caressant l'ambre des fesses chaudes. Mots pour le plaisir visionnaire goûtant le contact des seins fouettés de reflets roux. Dans les landes des désirs inassouvis, fanatisés par la chaleur d'été, les corps allument de suaves coulis de framboises où le mot, ce sorcier exorciseur, fera sa Messe. La clé tourne dans la serrure du triangle-pubis, fleuri de mille scintillements et le septième ciel des mots lui entonne son " Dies Irae " paradisiaque. Tout est sueur et musc, parfum de femme, délire d'homme. Mots Vivants D'AMOUR.

Dans l'extase de la danse Amour, aux diaphanes accords poétiques des mots, les corps se livrent avec ferveur à des mouvements sinueux et circulaires. Leurs danses se négocient dans l'obsession des dires amoureux délirants où la tête se perd pour mieux rencontrer les cieux. Dans l'expression la plus profonde et la plus naturelle, oubliant les jeux, traductions de conformisme, les mains cherchent au hasard le point de non-retour des vibrations subtiles, tandis que les mots s'érotisent dans un ballet noueux de caresses folles et voluptueuses. La prouesse physique s'enchante de ce mouvement de liane auquel le va et vient donne consistance de danse pénétrante et frénétique. Le festival s'achève, dans la moiteur féconde du dernier mot d'amour. Jouissons !

Pour que vous puissiez parler, pour que je puisse parler, il faut un tiers inclu, sinon nous errons instables. Nous disons n'importe quoi et nul ne peut nous comprendre. Jamais je ne me ferme à aucun propos. Mais quand on parle tous à la fois, c'est comme dans la Tour de Babel. Tout se mélange et l’on ne comprend plus rien.

Nul être intelligent ne se bat pour sa liberté d'expression dans ce cas. La vie fuit les champs de batailles, la polémique est la plus atroce des nécessités. Pour exister, ne bavarde pas dans l'arène des passions exacerbées. La pire sottise se fonde sur des conversations de foules où les mots ne sont que des brouhahas pédants. Dans ces lieux de relations parasitaires, le discours perd de son sens parce que les mots manquent la cible de leur valeur symbolique, comme l'allumette, le brûlot d'une vieille pipe. La popularité par les mots, voilà le danger ! À partir de ce galvaudage, ils ne veulent plis rien dire.

Le parasite à l'oeil vif et la bouche vermeille parle de la liberté, de la fraternité, et de la démocratie, comme un perroquet, sachant que c'est un leurre. Théologie et Politique, Science et Savoirs s'acharnent à voiler leur discours de pouvoirs dans des mots compliqués qui épatent toujours les imbéciles heureux. Ces derniers délèguent alors, par fainéantise leur réflexion, pour un bulletin de vote qui les débarrassent du souci de responsabilité. Comme des gens qui n'ont aucun talent passent à la critique facile, sans effet. Quelle couverture pour se décharger de son ignorance.

La stratégie gagnante, après avoir tenu le langage du mensonge des mots creux, change d'ordre. Elle a le pouvoir à présent et elle est bien décidée à en profiter. Elle quitte, alors, la démagogie des mots, et occupe les salons et les palais qu'elle démolissait sur les marches du Temple et sur les places publiques. Depuis des siècles, les Peuples sont assez ânes pour recommencer chaque fois à se faire blouser par une "pseudo élite". Le paysan donne à son pays, un paysage, du pain et les fruits de la terre et reçoit en échange, une subvention, comme ils disent à Bruxelles, ou dans les Ministères. Savent-ils seulement, ce que " Ministère " veut dire ? Ces Ministres entre guillemets ? Ministerium désigne l'office du serviteur, c’est-à-dire de servir. Ce mot vient de minister, dérivé de minus qui veut dire " Moindre ". Le Ministre est donc celui qui exerce une fonction subalterne par opposition à " Magister " qui veut dire Maître. Pauvres peuples, ouvrez les yeux, regardez ce qu'on a fait de vos mots et de votre mémoire.

Le Peuple ne reçoit rien du savoir qui se cache derrière les paravents des pouvoirs. La stratégie parasite fausse les jeux pour prendre sans rien donner. Ce qu'elle lâche sous la pression des évènements, elle le récupère par un processus de "feed-back" inversé.

Si l'Hominien se réveillait et rentrait dans de nouveaux espaces de compréhension, les lignes floues des pouvoirs lui apparaîtraient, les points pôles, monopoles des mots confisqués éclaireraient son écoute et il ne ferait plus l'erreur de vendre sa vie aux montreurs de foire.

J'ai l'intuition que l'expérience humaine doit passer par cette intuition du vol de sa sensibilité. On en a usé des théocraties, des monarchies, des démocraties, des ploutocraties, et des idéocraties, et la guerre est toujours pour le soldat, la faim, toujours pour l'isolé, la pauvreté pour le manoeuvre, grâce au mensonge des pouvoirs langagiers, spéculatifs ou logiciels. Elle ont eu raison du bon peuple qu'elles évitent d'instruire et d'éduquer. Elles auront raison encore, encore et toujours par la force et par la ruse.

Voici un jeu qui se déroule depuis le commencement des temps, thèse et antithèse de l'Histoire qui n'a pas changé, et qui ne changera pas, tant qu'une mutation n'affectera pas le cerveau affaibli des hommes du commun. Pouce ! je ne joue plus, Maître, l'inertie de ma Révolution intime noiera ton Pouvoir.

Alors, je vivrai à l'envers du miroir. Mon oeil à multiples facettes me permettra de regarder aussi bien à droite qu'à gauche, devant que derrière. J'aurai mille rétroviseurs incorporés dans un corps sage, et une âme limpide. Je ne suivrai aucun chemin parce que mes trajectoires seront imprévisibles, et ne m'amèneront nulle part. Je serai égal, fraternel, identique, et libre. Sans avenir et sans passé, bâtard et oeuf inconsolé, j'admirerai les siècles de destruction qui ne me contentent pas, mais je conjuguerai toutes les inventions, hors de la laideur humaine. Bouffeur de vie, né dans une poubelle, j'agacerai le monde, je serai une mouche, parce notre époque est la plus grande productrice d'ordures de tous les temps, je vivrai hors du gaspillage des Pouvoirs : LIBRE.

 

LE LUDION.

Le type de vie qui m'est imposé par les faits crucifiants de mon vécu humain ont fait de moi un sage. Après avoir cheminé longuement dans l'âme hominisée, j'ai purifié les desseins de mon coeur dans l'ineffable don de vie, qui me fait recevoir chacun(e) tel(le) qu'il ou elle est, sans aucune prétention à vouloir rien changer.

Les disputeurs du Monde, les louangeurs et les blâmeurs d'eux-mêmes ou d'autrui, les discoureurs de vanité, coureurs d'histoires et conteurs de contes, toutes les sortes de faiseurs d'embarras, je les ai connus, l'un après l'autre, sans pour autant vouloir me défier et me peiner du Monde. Les Hommes sont des êtres instables, comment leur en vouloir puisque j'en suis un. Nous baignons tous dans un nuage d'inconnaissance.

Je sais, pour l'avoir cherché par l'étude sérieuse et la méditation, que l'état de vie solitaire peut seul mener l'homme à la solidarité et peut lui apprendre à élever plus haut son âme, et, à marcher vers l'Amour en grimpant, degré par degré l'état de vie réellement partagé. Dans le retrait du Monde, on apprend à regarder l'état de misérable créature qu'on est. En action donc, et, sans délai, on peut enfin se remettre à sa place pour être plus prompt à gagner en humilité, et à garder cette humilité au coeur de sa vie.

C'est pourquoi, Ami, prends donc grandement garde au temps, et, comment tu le dépenses, car rien n'est plus précieux que le temps. Un rien de temps encore, et tu seras mort sans avoir aimé. C'est le cours ordinal des choses que d'être ainsi inscrit dans un seul mouvement de naissance à trépas. Hâtes-toi, donc de remplir ta vie d'actions d'amour pour tout ce qui est vivant autour de toi. Donne toute ton attention à cette oeuvre et à cette merveilleuse manière d'investir la vie de ta création. Avec décence et convenance, donne à tout ce que tu touches la marque indélébile de ton ESPRIT D'AMOUR.

 

Sois Toi, Avant de te vendre aux plus offrants.

Là, seulement, est " TA LIBERTE D’ÊTRE ".

 

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